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Requiem et renaissance - Metal Gear Solid V comme un nouveau départ
06/06/2016 à 14:00
par Flying_fox
Introduction
Chap. 1 : Race « La course » Langage et identité Chap. 2 : Revenge Origines Destination Chap. 3 : Rebirth Never Be Game Over? Héritage maudit The Man Who Sold The World Chapitre 3 : Rebirth (suite)
« J'ai trompé la mort grâce à toi. Et grâce à toi, j'ai laissé mon empreinte ». La phrase est dure à entendre. Assénée comme l'aveu de la trahison de toute une vie, elle comporte aussi la gratitude feinte (l'ingratitude, donc) du commandant envers les troupes qui ont suivi ses ordres et dont les efforts lui valent une médaille, à lui seul. Kojima se projette sur Big Boss, et cette sentence s'applique à leurs deux vies, à ce qu'ils ont réussi à entreprendre grâce à chacun d'entre nous... Le Big Boss de TPP représente une facette de la personnalité de son créateur, son côté obscur qui se réjouit avec cynisme d'un retour sur investissement très particulier : une reconnaissance mondiale par la procuration de ses fans, la poursuite de sa légende par ses admirateurs parasités. Il échappe ainsi à la mort, ou plutôt à l'oubli[54]. C'est le Kojima-Démon[55], celui qui a tout sacrifié, y compris son « meilleur homme », pour parvenir à ses fins très égoïstes. Après tout, l'histoire de MGSV est celle d'une trahison. Ground Zeroes relate la traîtrise d'un allié qui, jusque-là, agissait dans l'ombre en faveur du héros, puis décide soudain d'exploiter sa faiblesse pour le détruire de l'intérieur. On ne connaîtra jamais le fin mot du « Kojimagate », mais cette obsession de la trahison dans le scénario est suspecte. Quand Ocelot rafraîchit la mémoire de Venom sur les évènements de PW et GZ (tels qu'ils sont relatés, ils ressemblent parfois à s'y méprendre à la vie professionnelle de Kojima[56]), la perfidie de XOF est évoquée en long et en large, sans réelle pertinence scénaristique. Ocelot en parle comme du baiser de Judas[57] et la colère dans sa voix sent le vécu. Mais attention, l'image romancée[58] des trahisons vécues par l'artiste ne doit pas faire oublier celles dont il est lui-même responsable : il reste assimilé à ce Big Boss démoniaque qui, pour mener à bien son projet, condamne des innocents à périr sous les balles de XOF, ou les façonne à son image pour qu'ils partagent sa douleur. Il passe son temps à tromper son monde et, par-là même, à tromper la mort. C'est une certaine vision de lui-même que Kojima pointe ainsi du doigt, mais pas la seule. De nombreux autres fragments de sa personnalité sont glissés dans les personnages de TPP, ses propres créations, dont il se sert comme des marionnettes de ventriloque... A commencer par la muette Quiet qui, comme on l'a vu, est la gardienne des mèmes de l'artiste. Rebelle envers XOF, à qui elle est liée par le contrat d'une mission, elle se voue volontairement au silence pour protéger les Diamond Dogs. Et que dire de Miller, qui refuse catégoriquement de remplacer ses membres perdus par des prothèses, car il a besoin que sa douleur « reste vive »[59] : de cette manière, il peut continuer à ventiler toute la haine de son créateur. Code Talker, quant à lui, s'est déshonoré en faisant le sale boulot de Skull Face au nom de la justice et des opprimés[60], en signant un pacte avec le démon pour sauver les siens[61]. Mais par un cruel tour du destin, l'œuvre de sa vie devient tout le contraire du but qu'il s'était fixé. En guise de récompense pour ses longs travaux, il ne reçoit qu'une forme raffinée de torture psychologique[62]. Il doit ensuite s'assurer lui-même que son héritage ne tombe pas entre les mauvaises mains. Pourtant, au départ, tout semblait idéal : ses recherches étaient censées réparer les erreurs du passé, au lieu d'en commettre de nouvelles. Dans une comparaison évidente avec le travail de Kojima, Code Talker explique qu'il souhaitait combattre les conséquences de l'invention de l'arme atomique... Mais il n'a fait que contribuer au développement de cette menace[63]. Sa mission est un échec. Cependant, elle n'est pas terminée, et il ne s'avoue pas encore vaincu : son travail n'est pas fini[64]. Venom, lui aussi, personnifie régulièrement son créateur. Homme de paille fatigué et écrasé sous le poids de ses responsabilités, il n'est plus que le reflet amputé du « boss » qu'il a été, ou pense avoir été. Punished Snake devient tout à fait Punished Kojima dans ces moments où il regrette amèrement les décisions les plus difficiles qu'il ait eu à prendre, par exemple lors de l'épisode 43. Si on admet que les « diamants » et « lumières étincelantes » dont parlent Venom et Kaz se réfèrent à nous, alors le déroulement de cette mission symbolise notre mise à mort collective par le « patron ». Dépassé par les événements, muni de ses lunettes qui lui permettent de voir que nous sommes infectés et contrôlés, Kojima n'a d'autre choix que de nous sacrifier – c'est-à-dire, chasser nos avatars de ce petit coin de paradis virtuel dans lequel il nous avait accueilli. Tout au plus peut-il espérer que nos cendres pixellisées, transformées en diamants, le suivront dans le prochain univers qu'il créera. La sensation dérangeante éprouvée par le joueur, au moment d'achever ses troupes qui se tiennent au garde-à-vous, ne vient donc pas de nulle part : elle est partagée par Kojima, qui l'a ressentie au moment de tourner la page sur sa série phare, au moment d'éteindre la lueur – désormais pervertie, contrôlée par des parasites – dans l'œil de ses fans. Le poids des regrets est tout aussi écrasant lors du grand final de la quête des photos de Paz : « les choses auraient pu se passer autrement », semble souhaiter Venom, en chœur avec Kojima, lorsqu'il revit son traumatisme de Ground Zeroes. L'artiste a longtemps œuvré pour renverser le cours du passé, mais la vérité n'en est que plus violente lorsqu'elle est révélée : quel que soit le bout par lequel on prend cette histoire, les « os et la chair » de Paz ont rejoint le sol marin depuis longtemps. Il est trop tard pour la rédemption. Snake, le joueur et Kojima sont tous châtiés, chassés de leur Eden, en proie à leurs regrets éternels. L'artiste semble accepter pleinement sa responsabilité dans cette affaire : le rêve de Paz est le nôtre, mais aussi le sien. Ce papillon insaisissable représente tous ses objectifs échoués, et toutes les pertes qui en ont découlé. Autre avatar de l'auteur, Strangelove se fait entendre brièvement dans TPP, comme si le seul objectif de son retour était de porter, une dernière fois, la voix (déjà « distante » et étouffée) de son créateur jusqu'aux oreilles du joueur[65]. Strangelove n'est là que pour représenter une facette de la personnalité de Kojima : celle qui est aux abois, criblée de remords, et qui termine sa vie seule et triste, à cause de sa « fierté » et ses « théories sans fondement ». La métaphore commence dès le début du monologue : Strangelove regrette de ne pas avoir tenté de s'échapper plus tôt. Au risque d'y laisser des plumes (de perdre une partie d'elle-même), elle aurait pu éviter d'être incarcérée dans sa propre création. Elle s'adresse alors à The Boss, ou plutôt au joueur, qui « enregistre ceci » (le message de l'auteur) au plus profond de lui-même, « dans un bloc de mémoire » caché et « enterré sous un tas de codes qui n'ont aucune importance » (la forme du message). A cet instant, l'artiste se confond en excuses et regrets. Il « ne mérite plus de revoir » le joueur, s'en veut de l'avoir « utilisé » en « adhérant au plan de Cipher ». Il se défend comme il peut : il n'avait « pas le choix », estime-t-il. On l'a forcé à « ressusciter et modifier » ce fantôme à qui il s'adresse. Comme Code Talker, Kojima a commis l'irréparable en pensant bien faire, en s'estimant capable de « faire revenir » son public à lui, alors qu'au final, il l'a « vendu ». L'enfant dont Strangelove parle alors, celui qu'elle ne « pourra pas revoir », pourrait symboliser le jeu, la série. Strangelove souhaite que Hal soit « libéré des mains de son père ». Cette figure paternelle, la métaphore suivante permet de mieux l'identifier : Kojima estime que l'enfant est le fruit de sa relation avec le joueur, et lui seul. Le troisième acteur nécessaire à cette relation « n'a pas d'importance ». Mais tout n'est pas si rose, dans ce rêve d'artiste déguisé en fantasme lesbien : l'enfant finit tout de même par être volé et l'héritage, intercepté. Au joueur, Kojima demande pardon de l'avoir mal jugé, de s'en être fait une idée fausse, d'avoir créé, dans sa tête, l'image fantasmée d'un héritier qui n'existe peut-être pas, car il est libre de refuser ce qui lui est légué. A sa création, Kojima présente ses excuses de n'avoir pas su « la protéger », de « les avoir laissés la prendre ». Cependant, un espoir subsiste : dans le scénario de la saga, il s'agit du code implanté dans l'IA par Strangelove, que Sunny utilisera bien des années plus tard pour renverser les Patriotes. Dans les fantasmes de Kojima, cet espoir est un « œuf » qu'il a pondu dans l'esprit du joueur et qui, le moment venu, va éclore[66]. Le monologue se termine par une invitation au joueur à prendre soin de la série, de l'héritage qui lui appartient désormais. « Tu n'as plus besoin de moi », conclut l'auteur, comme The Boss l'avait dit à Snake dans MGS3. Reconnaître la présence de Kojima en Huey est tout aussi troublant. Le parallèle est beaucoup plus évident, souligné visuellement par le changement de lunettes du personnage : à partir du moment où Ocelot détruit sa première monture, Huey arbore fièrement les « J. F. Rey » de Kojima... Le modèle exact que ce dernier portait dans GZ. A partir de cet instant, donc, Huey devient le porte-parole du créateur du jeu. Le timing n'est pas innocent : ceci se produit juste avant qu'Emmerich soit jugé et chassé de la Mother Base. A genoux devant l'assemblée des Diamond Dogs, accusé de tous les maux qui ont conduit à la situation actuelle, Kojima se plaît à entrer dans le rôle de ce menteur invétéré, cherchant à persuader tout le monde, y compris lui-même, qu'il n'a pas commis l'irréparable, ou qu'il l'a fait pour le bien d'autrui. Confronté à l'accumulation de preuves, il les rejette en bloc : les meurtres dont il est accusé deviennent des suicides, la paille dans son œil devient la poutre dans celui de son auditoire. A ce moment précis, « entre chien et loup » comme on dit pour désigner l'instant de la journée où il est difficile de distinguer le prédateur dangereux du protecteur bienveillant, Kojima nous pose la question : auquel de ces deux canidés va-t-on l'associer ? Quelque temps plus tard, l'homme est évacué de la Mother Base sur un canot de sauvetage, dépossédé de « son » Metal Gear, mais vivant (ou plutôt, prêt à renaître). Au moment où le rafiot est mis à l'eau, la colère de Kojima transparaît à travers celle du personnage : « Je suis innocent ! Vous êtes les meurtriers ! (...) Suis-je le seul ici qui ne soit pas fou ? ». L'artiste a conscience que cette prise de position est difficile à défendre. Les faits ne jouent guère en sa faveur. Il a donc l'intelligence de se mettre dans la peau d'un personnage totalement ambivalent, dont on sait qu'il dit, en partie, la vérité (« vous êtes les meurtriers ») tout en se voilant la face (« j'ai risqué ma vie pour vous sauver »). Il en va de même pour le camp adverse. Les remontrances justifiées de Kaz, Ocelot et Venom ne trompent personne : ils n'en restent pas moins des chiens de guerre, prêts à tout pour augmenter leur chiffre d'affaires. Dans la suite chronologique de la saga, deux d'entre eux deviendront des démons – c'est-à-dire, puisqu'on est dans un jeu vidéo, des boss. Kojima a-t-il réellement perdu quelque chose dans l'histoire ? A l'écran, on le voit se débarrasser de ses entraves en les jetant à l'eau, mais celles-ci étaient aussi les jambes sur lesquelles il marchait, symbole de son évolution dans l'entreprise qui l'a vu naître et se développer professionnellement. Elles ne seront désormais plus que ses membres fantômes, ceux qu'il doit abandonner en échange de sa renaissance[67]. Seul scientifique civil (ou presque) au milieu d'un groupe de soldats de fortune, a-t-il jamais vraiment fait partie du personnel de l'entreprise ? Seul designer parmi les businessmen, pouvait-il réellement adhérer aux valeurs de la boîte, prêter allégeance au Big Boss ? On se doute que non, pas totalement, et c'est pourquoi le patron (ou plutôt, l'ersatz du patron) le licencie en déclarant, d'une voix égale : « il n'est pas l'un des nôtres ». Etant donné la situation, ces mots sonnent étrangement juste : ils sont la reconnaissance de l'identité de Kojima, de sa loyauté envers d'autres idéaux que ceux de Konami. L'attitude de Venom dans cette scène est particulièrement noble (« il n'est pas de notre ressort de juger un ennemi »), peut-être pour signifier que, dans cette situation sans espoir, aucun acteur n'est vraiment plus monstrueux qu'un autre. C'est l'aboutissement triste, terne et inévitable de « neuf ans » (en réalité, plutôt trente) de relation symbiotique mais mensongère, où chaque camp a progressivement changé jusqu'à en devenir méconnaissable. Contrairement aux personnages, le spectateur de cette scène est en mesure de se rendre compte que le drame n'est la faute de personne. Aucune des deux parties n'a le monopole de la bonne conscience ou de la moralité : dans ce théâtre tragique, il n'y a ni héros, ni méchants, seulement des hommes en proie à ce que leur dicte leur identité (« Race »), perdus dans un cercle de ressentiment (« Revenge ») qui devait mener à leur séparation un jour ou l'autre. Ce n'est donc la faute de personne[68]. Mais les deux camps devront reconnaître leurs erreurs et les payer, tôt ou tard. Comme le dit Ocelot, lors d'un plan lourd de sens qui se termine sur le regard perdu de Venom, « on récolte ce que l'on sème »[69]. Ce proverbe, Huey l'a déjà appris à ses dépens. Au fil des nombreuses cassettes de sa longue torture (métaphore facile d'une situation réelle), il en prend pour son grade et doit répondre autant à Ocelot qu'à ses propres mensonges. Comme le dit son bourreau, « il est plus facile de vivre un mensonge confortable (l'expression artistique avant tout) qu'une vérité douloureuse (les impératifs financiers d'abord) », et l'objectif de ces cassettes est justement de forcer Huey à admettre cette vérité. Ligoté sur sa chaise, Huey doit répondre de ses actes à un tribunal de pacotille. Au cours de ces dialogues incessants, laborieux et répétitifs, l'auteur semble faire sa propre psychoanalyse, tout en anticipant les accusations dont il pourrait faire l'objet. Les extraits suivants des cassettes de Huey pourraient tout aussi bien provenir d'interviews de Kojima après la sortie de TPP. Certains mots ont été retirés ; avec un peu d'imagination, vous saurez certainement par quoi les remplacer... « Ne vous méprenez pas, j'avais toujours foi en [...]. Je pensais prendre la meilleure décision, pour nous tous. »
« Je n'avais aucune idée que ça allait arriver. J'essayais juste de prouver notre innocence à [...], qu'est-ce qu'il y a de mal à ça ? » « Réfléchissez. J'ai aussi perdu quelque chose. J'ai construit [...] et il a été enterré. Je suis une victime ! » « J'ai été emmené contre mon gré. Ces neuf dernières années, [...] m'a forcé à faire ses recherches. Il m'a utilisé. J'ai perdu neuf ans ! Je suppose que vous vous sentez mieux en rejetant la faute sur moi. Qui va me redonner tout le temps que j'ai perdu ? » « J'avais les yeux bandés pendant tout ce temps! Je n'ai jamais eu aussi peur. Mais j'ai tenu bon en pensant à vous, mes [...]. » « Celui qui est vraiment derrière l'attaque de la Mother Base, c'est [...] ! Il m'a forcé à poursuivre ces recherches ! Il m'a dit de construire un [...]. » « On me poussait à produire des résultats. [...] refusait d'attendre. Il m'a volé [...] avant que je puisse le finir. » « Oui, j'étais obligé de le construire sous leurs ordres, mais j'ai toujours voulu remettre cette technologie entre nos mains, un jour. Vous voyez ? C'est à ce point-là que je pensais à vous, les gars ! » On peut également jouer à ce petit jeu avec Code Talker, l'autre civil et scientifique de la Mother Base, qui constitue lui aussi un reflet de Kojima... Un autre pantin à travers qui l'auteur peut s'exprimer en long et en large. La morosité des cassettes interminables de ce personnage n'est là que pour mieux dissimuler la voix de son créateur derrière un charabia répétitif. Les mots sont là, sans l'être. Code Talker porte bien son nom : il véhicule un message codé. « Les recherches exigeaient des investissements à une échelle colossale. Mais personne ne voulait investir sans perspective de retour. [Ocelot : « Et c'est alors que [...] est arrivé. »] Oui. [...] m'a forcé à abandonner mon travail d'assainissement de l'uranium et à me concentrer sur les armes nucléaires[70]. Et il tenait en otage tous les [...]. »
« Mon seul but en développant le [...] était de sauver les [...]. » « Je suis dans la même situation que ces jeunes [...]. Utilisé au profit de [...]. Je ne dois jamais l'oublier. » « Je n'ai aucun doute que le plan de [...] ait réussi. A ce stade, je ne vais plus être d'aucune utilité pour lui. Je dois au moins laisser derrière moi ce [...]. » Encore une fois, les dires d'Emmerich sont presque impossibles à défendre, dans la mesure où on sait qu'il a tendance à déformer les faits à son avantage, à imposer son interprétation de l'affaire[71]. Le sort terrible de l'héritage de Huey est à la mesure de son orgueil... Les cassettes se terminent sur une déclaration sans pitié de Kaz : le businessman assure son boss que le licenciement du designer en chef ne compromettra pas la chaîne de distribution. L'équipe de R&D saura se passer de lui, et cela n'affectera pas l'entreprise le moins du monde[72]. C'est la terrible justesse de cette métaphore qui la rend encore plus triste. La voici donc, la vérité dont Kojima voulait se protéger à travers les multiples mensonges de son personnage : il n'est pas indispensable au fonctionnement de son œuvre. Dès la mission 12, Emmerich comprend cela, quand il voit les modifications apportées, à son insu, à Sahelanthropus. Et, quoi qu'il fasse, il n'a désormais plus le contrôle du destin de son héritage : sa vaine tentative d'éloigner le Metal Gear de la Mother Base et de le léguer aux enfants – aux générations futures, qui n'ont pas forcément conscience de ce que cela représente – engendre un conflit inutile et se solde par un fiasco total. Malgré l'extrême potentiel de Huey en tant qu'avatar de son créateur, ce n'est pas lui qui porte le fin mot de Kojima dans TPP. L'honnêteté de l'auteur finit bel et bien par l'emporter dans la dernière conversation, après le générique de fin de la mission 46, à travers la voix d'Ocelot : il déclare fièrement que « tout » (toute cette mascarade que représente MGSV) a eu lieu pour une seule et unique raison : permettre à Big Boss de créer sa « nouvelle nation », celle qui sera « indépendante du profit personnel et du cycle de vengeance »[73]. La métaphore est claire comme de l'eau de roche, à tel point qu'elle en serait presque insultante s'il n'était pas question d'un « autre Big Boss » (le joueur), chargé de la « poursuite des mèmes » et, qui sait, peut-être aussi de leur renouvellement. Ce dialogue surréaliste se termine par une prophétie d'une étonnante lucidité, et pour cause : il s'agit, en fait, d'un bilan. Si le projet a pu être mené à bien, c'est grâce à la coexistence forcée de deux acteurs que tout oppose, et dont la relation était vouée à se terminer en pugilat fatal. Cette petite guerre de pacotille, Big Boss la laisse derrière lui. Celui qui a trompé tout le monde s'intéresse uniquement à la « nouvelle ère »[74]. En attendant la renaissance promise, il faut « s'habituer », comme le dit Miller, à vivre les derniers instants de cette coexistence complexe entre un éditeur désintéressé, un artiste devenu fantôme et leur public, témoin impuissant du divorce, dont la garde est férocement disputée[75]. En fond sonore de cette tragédie inévitable, on entend les grands tubes des années 80 sur les ruptures amoureuses : Only Time Will Tell, ou encore Love Will Tear Us Apart, dont les paroles semblent résumer le jeu, son contexte de développement et son aboutissement : When routine bites hard, And ambitions are low, And resentment rides high, But emotions won't grow, And we're changing our ways, taking different roads. C'est effectivement l'heure de la séparation, pour tout le monde. Que reste-t-il de cet amour tantôt passionné, tantôt routinier, entre auteur, mécène et public ? Une coexistence impossible, comme le dit encore la chanson : Something so good just can't function no more. Lire la suite : CONCLUSION
Notes : [54] Comme Big Boss, qui ne peut pas s'empêcher de placarder des posters à son nom sur la Mother Base, l'auteur a tendance à afficher son nom partout dans le jeu, comme saisi d'une crainte (assez irrationnelle mais visiblement obsédante) d'être dépossédé de son œuvre, oublié. [55] « Pardonne-moi, il y a un monstre à l'intérieur de moi », comme il est écrit dans P.T. [56] Cassettes n°5 et 6 du recueil "Briefing d'Ocelot [1]", avec des phrases comme : "avant même que tu t'en rendes compte, tu commandais 300 hommes". [57] Code Talker, lui aussi, assimile Skull Face à un traître : "il vous serre la main comme à un ami, et utilise l'autre pour vous contrôler comme une marionnette. C'est comme ça qu'il opère" (cassette "Archées métalliques [3]"). [58] Cassette "Briefing d'Ocelot [1]" : "La Mother Base était à deux doigts de t'emporter avec elle (...). Tu étais censé mourir ce jour-là (...). Mais tu as survécu. Tu es allé directement en enfer et ils t'en ont sorti (...). Ce monde a encore besoin de toi." [59] Cassette "Sur Mother Base [3]" [60] Cassette "Code Talker et ses recherches [2]" [61] Cassette "Archées métalliques [4]" : "Mon unique but en développant les arches métalliques était de sauver les Diné." [62] Cassette "Objectif de Skull Face [4]" [63] Cassette "Archées métalliques [4]" : "Bilaagana m'a forcé à abandonner mon travail d'assainissement nucléaire et à me concentrer sur les armes nucléaires." [64] Cassette "Archées métalliques [4]" : « Pour sauver les Diné, je dois terminer mes recherches initiales.» [65] Cassette "Enregistrements ultimes du Pod IA" : "Je suppose que je peux dire ce qui doit être dit. Je peux encore faire au moins ça... Te parler." [66] Cet œuf, c'est justement celui de Sunny, celui qu'elle réussit enfin à cuire parfaitement à la fin de MGS4. C'est la promesse d'un « soleil qui se lève » sur des lendemains meilleurs... Mais cette renaissance ne se fait pas un jour, et n'est pas du tout certaine : le code implanté dans l'IA par Strangelove est semblable à une bouteille jetée à la mer... Kojima n'a aucun mal à établir cette métaphore : encore une fois, il la tire de sa propre expérience. [67] Ce n'est pas une perte facile à accepter. Dans la cassette "Archées métalliques [2]", Ocelot estime que la vie ne vaudrait pas la peine d'être vécue pour Huey s'il devait perdre à nouveau ses jambes. Ce serait, pour le scientifique, la pire des douleurs fantômes. [68] Cassette "Parasites des cordes vocales [2]" : "Ce n'est la faute de personne", dit Code Talker. "On ne peut rejeter la faute sur personne." [69] La scène fait écho à la deuxième cassette du recueil "Sur Mother Base [2]", où Kaz décrit sa relation avec Cipher comme "parasitique" mais porteuse d'un "bénéfice mutuel"... Le problème étant qu'il est devenu impossible de savoir ce qu'est devenu Cipher, à quel point son réseau s'est étendu, ni même ce qu'il veut. Aux yeux de Kojima, il en va peut-être de même dans sa relation avec Konami : impossible de mettre tout le monde dans le même panier, de faire la part des choses, de savoir comment on est en arrivés là. Dans la même cassette, il s'exprime à travers Venom en refusant d'admettre que "l'homme qu'il connaît" aurait pu détruire la Mother Base. Comme le montrera la suite du scénario, Venom a entièrement raison de dédouaner Zero et suspecter d'autres forces en présence. [70] Cette phrase est particulièrement représentative de la dualité de Kojima en tant qu'auteur, œuvrant pour la paix à travers des jeux de guerre. L'opposition entre assainissement de l'uranium et développement d'armes nucléaires est une référence directe aux responsabilités du joueur dans le mode FOB. [71] Sa plus ridicule tentative reste celle de rapprocher le crâne de Sahelanthropus du logo de MSF, alors qu'on peut tout aussi bien y voir une forme de loyauté envers Skull Face, comme Ocelot ne manque pas de le remarquer dans la première cassette du recueil "Interrogatoire de Huey [2]". [72] Cassette n°1 du recueil "Interrogatoire de Huey [7]" [73] On avait été prévenus dès le départ : en dépit de toutes les apparences, nous ne combattions « pas pour le passé, mais pour l'avenir ». [74] Les cassettes du recueil "Sur Mother Base [2]" sont une sorte de prédiction fantaisiste, à peine voilée, du contexte de création du nouveau studio de Kojima. Les Diamond Dogs sont ravis de construire tranquillement leur nouvelle base, tout en étant à l'abri des représailles de Cipher qui n'a « aucun intérêt » à leur porter atteinte. Miller précise toutefois à Venom qu'il lui faudra d'abord prouver sa valeur aux « mercenaires » (que nous sommes) avant que ceux-ci rejoignent sa cause. [75] P.T., dont l'un des thèmes récurrents est la mise en péril du cocon familial, aborde ce divorce sous un angle bien plus sordide : des pères de famille lobotomisés deviennent soudain fous et assassinent leurs proches.
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Chap. 1 : Race « La course » Langage et identité Chap. 2 : Revenge Origines Destination Chap. 3 : Rebirth Never Be Game Over? Héritage maudit The Man Who Sold The World Lire la suite : CONCLUSION
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