Disons que j'ai un esprit trop cartésien pour apprécier ces jeux (parce que ce sont des jeux quand même, on est bien d'accords): perso, quand je suis confronté à des choix multiples j'analyse méthodiquement la scène et j'essaye d'établir mentalement l'arbre des possibles. Quitte à passer comme BigBoss beaucoup de temps à essayer les différentes alternatives...
Sauf qu'il n'y a rien de naturel dans cet arbre-là: d'une part les ramifications sont forcément quantifiables, d'autre part le monde virtuel est régit pas des lois binaires.
De fait, non seulement chaque choix est extrêmement limité à un nombre d'
actions (très) restreint (car programmées), mais en plus l'essentiel des situations aboutit à deux possibilités: soit une issue prévisible, soit un évènement imprévisible.
Le premier cas est vite lassant à mon goût (façon menu DVD), et le second cas est frustrant: les développeurs misent sur l'effet de surprise pour induire une émotion chez le joueur. Non seulement la ficelle est trop grosse à mon goût (et similaire à celles que proposent bien des films), mais surtout j'aime l'imprévu réaliste: dans la vie, rien n'est aussi simple qu'un contraste noir/blanc ou qu'une balance qui évaluerait simplement le côté vers lequel la somme des actions aura le plus de poids...
Et cet imprévu est encore moins dicté par qui que ce soit!
Chaque action provoque une
réaction, et cette réaction est soumise à une loi aussi naturelle que la loi normale par exemple, indépendante de notre volonté: globalement on peut prévoir la direction résultante, mais une légère incertitude persistera toujours.
Pour étayer mon raisonnement de façon mathématique, on peut ajouter ceci: la réponse ne correspond pas à un ensemble de nombres entiers allant de a à b, mais plutôt à un intervalle de valeurs décimales, dont le nombre de variables n'est pas seulement multiple, mais aussi infini qu'un intervalle borné du type ]a;b[...
Autrement dit, la vie n'est pas constituée de N cinématiques possibles (N=entier), elle admet bien davantage de possibilités (R, l'espace Réel comme on l'appelle...). Et d'autant plus que l'on ne situe pas notre intervalle d'action sur un seul axe, mais sur une infinité d'axes... Qui dépendent par exemple des facteurs environnementaux.
Pour l'exprimer de façon moins alambiquée, je reprends l'exemple des QTE
Par définition un QTE teste la rapidité d'un joueur davantage que sa dextérité. Or, si vous faites 100 fois le même geste, vous ne l'exécuterez pas 100 fois de la même façon, même si les 100 tentatives sont réussies, et même si le résultat est aussi binaire que peut l'être le lancer d'une pièce de monnaie (soit pile, soit face). Je suis plus clair là?
De même en matières de cinématiques alternatives: la particularité des jeux vidéos n'est pas de pouvoir projeter 1 voire N cinématiques sur l'écran, mais de fournir un espace virtuel dédié au gameplay, afin de vivre une expérience
unique lors de chaque run (parmi une infinité de possibilité). Alors augmenter artificiellement la durée de vie d'un jeu en codant un nombre déterminé de cinématique ne résout pas cette problématique, on essaye juste de la masquer...
La preuve: on peut mettre cette méthode en échec en rejouant suffisamment de fois pour avoir parcouru en entier l'arbre des possibles
Augmenter le nombre de ramifications, certes ça rallonge le temps requis, mais ça ne crée pas une quantité illimitée de branches... De fait, cette démarche est paradoxale vis-à-vis de la problématique soulevée, à savoir que le jeu vidéo va au-delà des possibilités offertes par une simple vidéo (JV≠DVD). Et pour parvenir à sortir de l'ornière, il vaut mieux opter pour deux alternatives plus originales et plus efficaces: soit supprimer totalement les cinématiques, soit rendre chaque cinématique totalement UNIQUE (et ça, je crois que c'est impossible... :/). Or, comme expliqué ci-dessus: les QTE ne résolvent pas cette question: même l'usage de fonctions random ne peut pas générer un nombre illimité de solutions. Donc je pense que tout ce que l'on peut faire c'est d'élargir le gameplay au maximum en vue de couvrir la plus grande étendue possible d'actions (quitte à utiliser aussi des actions contextuelles), et parallèlement rehausser la qualité des graphismes et augmenter les interactions, en vue de créer des phases de gameplay qui fournissent tout ce que nous attendons d'une cinématique (messages, récompenses, émotions etc.). Du moins, globalement c'est ça qui se fait.
Ou alors on sort de ce débat évolutionniste, et on assimile simplement ce titre à une vidéo perfectionnée, où le spectateur peut décider facilement de ce qu'il advient à chaque scène. Auquel cas je crois que la manette n'a pas d'autre fonction que celle d'une simple télécommande, qui permet de passer d'une piste à l'autre...
D'façon, pour ma part j'ai trop de plaisir à terminer un level, puis poser la manette pour savourer pleinement la mise en scène et le contexte dans lequel mon avatar se retrouve, sans quoi je ne serais pas un aficionado de MGS (!)
Quand on voit déjà combien l'histoire s'est compliquée, qu'en serait-il s'il fallait envisager plusieurs trames principales entre deux titres...?
Donc admettre qu'il n'y a qu'une seule trame, imposée par l'auteur, je ne trouve pas ça choquant ni antinomique avec la notion de singularité. Du moment que la réalisation admet plusieurs niveaux de lecture, plus ou moins complexe, et que son ambition est noble...